lundi 6 juin 2016

L'insoupçonnable banalité dans l'Etre.


Et si l'on s'imagine, en tenant compte de tous les détails d'une vie, que toute biographie semble plate, insipide et sans la moindre nuance, c'est parce que toute la vie d'un être est contenue dans ces éléments discrets qui en constituent la somme. On ne pourra jamais comprendre le sens d'un acte qui pourra sembler mineur, sans s'imaginer l'ensemble des intervalles temporels, qui ne représentent pas grand chose aux yeux de l'histoire, mais qui sont tout au regard de l'être.

La vie est dans les temps de l'insignifiant, dans ce qui peut nous paraître anodin et sans intérêt. Il est toujours plus simple de reconstruire une vie à posteriori en ne conservant que les éléments qui nous semblent avoir de l'importance, mais la construction de la vie et de l'existence est ailleurs, cachée dans les interstices du temps, dans les porosités de notre quotidien, source de notre véritable rapport au monde. C'est dans cette friction au quotidien que l’Être émerge, qu'il résiste ou acquiesce, qu'il contemple ou agisse. Il faut s'imaginer Démocrite ou Mahler, Bach ou Nietzsche, Flaubert ou Hölderlin, Artaud ou Staël, dans leur dénuement le plus authentique, celui qui ne préfigure qu'un simple existant sans aucune grandeur, dans une banalité des plus affligeantes dans leur rapport au réel: un repas avec des amis, un trajet habituel, la lecture d'un livre, le soir dans leur lit, ... C'est dans cette configuration que toute la vie acquiert du sens et que l'existence se forge, se bâtie ou se sculpte. Aucune vie ne saurait être grande sans la considération d'une autre vie, plus banale et quotidienne, moins brillante et remarquable, mais bien plus essentielle, celle qui cristallise la possibilité d'une Existence.
Ainsi, c'est dans la plus grande joie ou la plus grande détresse de l'instant que se révèle à nous le monde, au cœur des anfractuosités du temps et de l'Être.


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